A mon réveil, j'étais déterminé à poursuivre l'expérience: ce que je voyais depuis deux jours était totalement addictif. Impossible de retourner en arrière, j'avais envie de sourire et de ressentir cette nouvelle sensation qui accélérait mon cœur.
Lorsque je me suis habillé, mon uniforme me paraissait différent, son gris était ordinaire mais j'ai pensé que c'était très joli.
Je prenais la direction de l'école. Mince, le portail de contrôle.
HongJoong allez, pense à tes cours, concentre toi sur tes cours, ne souris pas.
Lumière verte.
Je respire à nouveau. J'allais devoir apprendre à cacher mes émotions maintenant que je savais que je ne voulais pas revenir en arrière.
Les gars parlaient de ce qu'ils allaient faire le dimanche car c'était le seul jour où nous n'avions pas école alors que nos parents travaillaient.
En général, le dimanche, c'était le jour des corvées: linge, ménage, courses, repas puis devoirs. Et surtout l'émission télévisuelle "Construisez demain",qui traitait des métiers possibles à exercer en fin de scolarité. Les émissions de télé passaient uniquement le dimanche et, bien sur, le message de Z passait en continu. La seconde émission présentait, chaque semaine, une famille parfaite de Statut Social A. C'était un grand honneur d'être choisi pour y participer.
J'avais encore vu des choses étranges la veille durant mon sommeil: de la peinture jaune vif sur un mur qui formait un soleil.
Je marchais tout en regardant autour de moi en allant faire les courses: Je n'avais jamais remarqué que tous les bâtiments étaient totalement lisses, uniformes et gris
En même temps, je n'avais plus le nez sans arrêt baissé sur ma montre.
J'ai ressenti un drôle sentiment, j'était triste. Triste, encore un sentiment inconnu mais que je n'aimais pas du tout. Triste, mais sans savoir pourquoi.
Je décidais de repenser au petit chat et ma tristesse s'évanouie instantanément.
De nouveau, je me sentais bien…pourtant, j'avais bien conscience que c'était mal. Si quelqu’un remarquait que j'avais des émotions, je risquais bien de me retrouver dans le camp de redressement pour les inadaptés sociaux, sur l'île des Gardiens Androïdes.
Cependant, je n'avais pas peur car la nécessité d'assister à ces choses magnifiques était trop devenue trop forte.
Je masquais mon sourire dès que je passais devant une caméra. Ne rien ressentir, ne rien laisser paraître était devenu la maxime qui tournait en boucle dans mon cerveau, remplaçant peu à peu le message de Z.
La journée passa comme la veille, remplie de choses merveilleuses dont je m'étonnais à chaque fois.
Puis le lendemain fut identique. Plus je passais de temps à regarder autour de moi, à regarder le ciel, plus la vie s'ouvrait à moi. Je n'aurais pas pu revenir en arrière, c'était impensable et j'avais la soif d'en voir encore plus.
Dimanche est arrivé et je me suis hâté de faire les courses et les corvées. Mais quand j'eu tout achevé, au lieu de regarder l'émission et de faire mes devoirs, j'eu l'envie irrépressible d'aller dehors et de marcher dans la ville.
Armé de mon sac de courses, pour feindre de me rendre au magasin, j'ai décidé d'explorer ma ville pour la découvrir sous un nouveau jour.
Tout était si gris en comparaison du pourpre du ciel et de la poussière de sable qui arrivait du désert entourant la ville qu'on pouvait apercevoir par delà le dôme.
C'est ainsi qu'une rue menant à une autre je fus vite arrivé à la Limite du Dôme qui protégeait le Secteur 5.
Personne n'avait le droit de dépasser cette frontière et, de toute façon, c'était un endroit vide, le début du désert aride, brûlé par l'impitoyable soleil rouge. On apprenait ça en Section 1: Sortir du Dôme est un crime, en dehors du Dôme c'est la mort assurée.
À un moment, la rue se transforma en cul de sac. J'étais arrivé à la sortie de la ville, au bord du dôme.
Je n'avais pas le droit d'être là.
Déçu, j'ai regardé autour de moi et je m'apprêtais à retourner sur mes pas lorsque j'ai découvert, près d'une cour recouverte de gravier, un maigre chemin formé par quelques traces de pas. Intrigué, j'ai décidé de le suivre. Il menait au-delà du dôme.
C'était interdit et dangereux mais ma nouvelle curiosité me suppliait de continuer.
Si des traces de pas traversaient le Dôme, les personnes l'aillant emprunté étaient elles mortes?
Allais-je mourir moi aussi?
Est ce que je voulais risquer la mort ou est-ce que je préférais continuer à vivre dans ce monde stérile qui m'attristait chaque jour un peu plus?
Je décidais de tenter le coup.
Après avoir marché quelques minutes, inquiet d'avoir transgressé la loi, j'ai débouché sur un terrain vague, couvert de hautes herbes desséchées, au bout de duquel émergeait un petit bâtiment très ancien, assorti d'un vieux bus scolaire jaune. Le bus était déposé là, comme un reste matériel d'une époque révolue depuis longtemps.

Je distinguais aussi une forêt plus loin derrière le bâtiment, autre vestige hors limite. Le soleil était brûlant, aveuglant, scintillant et le ciel était bleu. Bleu. Comme dans mes rêves.
C'était quelque chose de très inattendu, surtout si proche du Dôme de Strictland avec son cadre parfaitement optimisé.
Je me suis approché tout doucement de l'édifice en face de moi, prenant soin de vérifier que personne ne me voyait car c'était interdit de marauder au delà du Dôme.
Une palissade en bois, rongée et noircie par le temps, fermait ce qui semblait être une sorte de tour de guet en pierre calcaire à l'abandon. Je n'arrivais pas à distinguer précisément ce qui se trouvait à l'arrière de l'espèce de minaret devant lequel je me tenais.
Tout autour, l'herbe avait poussé si haut qu'elle m'arrivait à la taille.
Je me suis caché un instant pour m'assurer que j'étais bien seul.
Malgré la petite pancarte "Entrée interdite", la palissade qui servait de porte était entrouverte et, pesant le pour et le contre, j'ai tiré la porte vers moi et je m'y suis engouffré.
J'ai descendu un petit escalier qui déboucha sur une cour à ciel ouvert, creusé à même le sol et entouré par les palissades que j'avais vu de l'extérieur. Jamais personne n'aurait pu deviner de l'extérieur, que la tour n'était que le sommet de l'iceberg.
Un canapé et une table basse, recouverts de poussière, étaient disposés là, attendant patiemment que quelqu'un s'y assoie. Un vieux modèle de voiture à essence à la peinture écaillée, disparu depuis très longtemps, était retourné et reposait sur son toit, ses roues tristement tournées vers le ciel.
Au fond, sous le minaret qui était en fait une terrasse couverte, une arche sur laquelle étaient fixés des rideaux orange à pampilles donnait un accès à une autre cour, toujours à ciel ouvert. Comme la salle précédente, la seconde cour avait été creusée à même hauteur que la cour d'entrée. Le sol était une gigantesque mosaïque colorée. Les murs et plusieurs bancs en pierre étaient peints de rouge et de jaune et une table avec huit tabourets était sur le côté, contre l'un des murs.
Toutes ces couleurs chatoyantes étaient comme une explosion dans sa tête.
J'étais émerveillé par ce que je voyais.
En progressant à l'intérieur, j'ai trouvé une sorte de trappe sur le sol. Intrigué, j'entrepris de l'ouvrir, non sans mal. Un nouvel escalier s'enfonçait sous l'édifice: c'était incroyable.
Je débouchai dans un sous-sol où traînait une drôle de machine qui avait une plaque tournante et un énorme tube en forme de fleur, assorti d'une manivelle sur le côté.
Des sortes de plaques noires étaient posées près de l'engin bizarre dont l'une était posée sur le plateau tournant.
Ma montre émit un bip strident: et merde, 18h40. J'allais en retard pour préparer le repas si je traînais plus longtemps.
Promptement, je suis sorti du bâtiment, émergeant de la palissade que j'ai refermée soigneusement derrière moi et je me suis mis à courir en sens inverse, retournant sur mes pas pour rejoindre le centre-ville.
—---
Yunho pendant le cours, me mit un coup de coude qui eut le mérite de me sortir de mes pensées. J'ai redressé la tête et recommencé à suivre la leçon, toujours dans mon reposant silence.
À l'heure de la pause déjeuner, je me levais d'un bond en même temps que les autres élèves, Yunho sur les talons.
"T'avais l'air absent pendant le cours. Tu vas te prendre un mauvais point." Comme je ne répondais pas et remplissais mon plateau en silence, il n'insista pas.
Ils s'installèrent ensemble à leur table habituelle comme chaque midi.
Wooyoung, en voyant ma mine renfrognée s'exclama:" ben alors, t'as encore fait une connerie?". J'ai levé la tête pour le regarder avec un air sérieux.
"Les gars, il faut que je vous parle d'un truc. On se rejoint tout à l'heure, pendant la pause, à l'aire de repos devant le parking des bus. C'est un truc dément mais impossible d'en parler ici, on nous entendrait."
Je devais avoir l'air si sérieux que personne n'osa poser de questions.
Lorsque la sonnerie de 15h retentit dans l'école, ils partirent en pause et les garçons se dirigèrent vers l'aire de repos, le seul endroit isolé mais autorisé de l'école où ils pouvaient se poser tranquillement entre eux.
Tous étaient assis par terre, à l'exception de San et Yunho qui squattaient le canapé et ils m'écoutaient religieusement.
"Promettez-moi de garder tout ce que je vais vous dire pour vous!
Ses amis se regardèrent, perplexes mais acquiescèrent.
- Voila, depuis mardi, pour une raison inconnue, je n'entends plus rien. J'ai eu une violente migraine et depuis je n'entends plus les messages de Z, ni les cours...et surtout, depuis je remarque pas mal de choses, de jolies choses.
Un éclair d'incompréhension balaya l'assistance.
- Je vois les choses différemment depuis quelques temps et ça me fait "ressentir" des émotions. Je sais que c'est dangereux mais quand ça arrive, mon cœur se gonfle de plaisir. Je ne saurai pas comment vous expliquer. Je sais que je prends des risques, j'ai eu très peur au début mais je vous jure que ça en vaut la peine. Je ne comprends pas encore trop ce qu'il se passe dans mon corps mais c'est… agréable.
Toujours le silence et leurs regards médusés.
- Hier, j'ai trouvé un endroit à la sortie de la ville, par delà le dôme: un terrain vague avec une sorte de vieille maison et une forêt au bout. C'était trop beau et il y avait plein de couleurs! Venez avec moi après les cours, je vous montrerais"
Mingi, Wooyoung, Seonghwa, Yeosang, Jongho, San et Yunho me regardèrent tous d'un air circonspect.
"T'as perdu la boule mec!'' s'exclama Wooyoung. On a pas le droit de traîner à la sortie de la ville, tu le sais bien. Si on se fait prendre par les flics du Gouvernement Central, ça risque de pas bien se passer. Moi, je ne te suis pas sur ce coup là."
Mingi prit la parole à son tour: " Tu sais bien que ma mère en sera malade si jamais elle venait à l'apprendre et elle est déjà assez affaiblie comme ça. Je ne peux pas risquer une nouvelle rétrogradation. Sans moi mec!"
Les autres se regardèrent sans mot dire.
Jongho lui répondit: " Tu ne veux jamais faire ce qu'on te dit HongJoong et ça finira par t'attirer pas mal d'ennuis. Ne nous entraîne pas avec toi s'il te plaît."
Les autres ont hoché la tête de concert pour valider les propos de Jongho.
" Oublie tout ça, lui dit Yeosang, fait ce que Z et tes parents te disent de faire, ça te simplifiera la vie."
J'ai regardé mes pieds.
Et c'est à ce moment précis que j'ai vu les petites lumieres rouge clignoter sous leurs oreilles. Une puce électronique ? La mienne ce serait elle brisée lorsque je me suis cogné la tête sur le trottoir?
La sonnerie retentit et tous retournèrent en cours.
J'ai décidé de ne plus parler de cela à mes amis.
Cependant, après que les cours se soient terminés, je voulais retourner à la bâtisse du terrain vague.
Comments