"Que veux tu faire? Que veux-tu devenir?
Je n'en sais rien, c'est ma première fois.
Je pense qu'il me faudra vivre un peu plus longtemps pour le savoir."
Thanxx - Ateez
Le réveil sonne, il est 7h00, juste le temps d'ouvrir les yeux et je sors du lit direction la salle de bain: 7h01.
Je me savonne en vitesse, me lave les cheveux et je sors: 7h09.
J'attrape la serviette blanche sur le porte-serviette, je me sèche, peigne mes cheveux noirs et courts pour que ce soit bien net puis j'enfile l'uniforme gris et bleu de mon école.
Je me dirige vers la cuisine: 7h25
J'ouvre la porte du frigo et j'entame mon petit déjeuner: 7h30.
Je vois ma mère, impeccable dans son tailleur noir, s'installer à table à mes côtés: 7h35.
Je remets une de ses barrettes en place pour bien maintenir la boucle de cheveux qui en était sortie: 7h37.
Elle me remercie d'un signe de tête.
Mon petit déjeuner terminé, je nettoie mon bol et mes couverts que je sèche et range dans le placard d'où je les ai sortis et j'avale mes comprimés de vitamines, nécessaires puisque l'on vit sous un dôme qui nous protège du soleil: 7h42.
"Passez une journée productive Mère." J'enfile mes chaussures et mon capuchon portant l'insigne du Gouvernement Central: 7h43
J'ouvre la porte de l'appartement et je sors: 7h45
Je quitte l'immeuble où je vis avec ma famille dans le secteur 5, excentré de la grande ville et je rejoins un groupe d'adolescents portant le même uniforme que moi. Bien en rangs, nous nous dirigeons tous vers l'école en silence.
Le message du Gouvernement Central passe en boucle dans les haut-parleurs un peu partout dans la ville.
Les émotions sont la maladie de notre monde et elles ne servent à rien. Les émotions sont une perte de temps.
Nous arrivons devant l'entrée du bâtiment: 7h56.
Je passe le portique de contrôle de flux sanguin. Ma montre rapporte ma tension. La lumière passe au vert. J'avance: 7h57
Je me dirige vers ma salle de classe, je dépose mon capuchon dans le casier qui m'est attribué et je m'installe à ma table en même temps que mes camarades.
Je suis au dernier rang de cette salle de classe, sous la lumière des néons au plafond et aux fenêtres recouvertes par un matériau occultant.
Toutes les fenêtres des anciens bâtiments de la ville, dont notre vieille école, sont recouvertes de rideaux ou d'occultant.
Les nouveaux bâtiments n'ont pas de fenêtres.
Nous sommes assis par ordre alphabétique.
Je prends ma tablette: 7h59.
Les lumières s’éteignent et l'écran sur le mur scintille devant nous: 8h00.

Le message habituel, récité par la voix monocorde de Z, chef ultime du Gouvernement Central, se diffuse:
"Un monde parfait. Le monde dans lequel nous vivons est parfait, par conséquent, c'est un monde sûr.
La douleur est un sentiment inutile et un facteur négatif dans votre vie. Nous souhaitons vous protéger.
Le monde sans fissure est toujours magnifique.
Vous qui vivez votre vie, à votre place, êtes le monde lui-même.
Ne doutez pas de vous, vous avez toujours raison.
Nous avons raison parce que vous avez raison.
Souvenez-vous que nous travaillons pour vous.
Nous nous consacrons à vous. Ce que nous faisons, c'est pour vous.
Ne doutez pas. Ne doutez pas de vous, à aucun moment.
Ne doutez pas. Ne vous remettez pas en question à aucun moment. Ne doutez pas.
La plaie de ce monde, ce sont les émotions humaines."
Le même message entre chaque cours.
Le même message dans la rue, les entreprises.
Partout.
À la fin de la diffusion du discours: nous frappions dans nos mains en scandant "Z! Z! Z!"
Le cours d'efficacité collective peut commencer.
Notre école date du temps d'avant, un temps révolu depuis bien avant ma naissance.
Nous n'avons pas d'écoles neuves, telle que la renommée Prestige Académie, dans notre secteur: le Secteur 5.
Notre secteur n'a pas un niveau assez élevé pour en bénéficier. Elle est petite et désuète mais cela n'a aucune importance. L'important est de pouvoir bien apprendre pour être bien intégré dans la société, avoir un bon métier et obtenir un bon statut social.
Fin de la matinée et heure de repas: 12h00.
D'un seul bloc, nous nous levons et nous nous dirigeons calmement jusqu'au self: 12h07.
Je prends un plateau: 12h10
Nous n'avons pas le choix du menu, car faire un choix génère des émotions et les émotions sont la plaie du monde.
Je me dirige vers la table que je partage avec mon groupe de naissance, place qui m'a été assignée lors de mon entrée en Section 4 et je m'assoie à ma place habituelle. C'est le seul moment de la journée où nous sommes autorisés à discuter: 12h13.
Je mange mon repas en discutant des cours et des devoirs avec eux.
Je questionne Mingi sur ses notes. Il me jette un coup d'œil mais ne me répond pas: Mingi n'est pas un garçon très bavard. Il dit souvent qu'il ne sait pas de quoi parler.
C'est le dernier arrivé dans notre petit groupe. Il a changé d'école après que ses parents ont changé de Secteur et est arrivé en cours de cycle. Comme nous n'étions que 7 dans notre groupe de travail, il a été assigné avec nous.
Une fois mon repas terminé, je vais ranger mon plateau et je me dirige vers ma salle de classe: 12h35
De nouveau à ma place, je relis la leçon de la veille sur la tablette, avant mon prochain cours, comme mes autres camarades, en silence: 12h55
L’écran s'allume de nouveau et le même message monocorde de Z résonne dans nos oreilles: 13h00.
Par souci de déconcentration, nous avons le droit à une pause: 15h00.
Je sors prendre l'air avec mes camarades de naissance. Nous passons notre temps ensemble, comme un ban de poissons. Nous parlons des cours.
Les cours reprennent, message de Z, encore, toujours: 15h30.
Les cours se terminent: 17h45
J'arrive à la maison: 18h00.
Je prépare le repas du soir et je mets la table: 19h00.
Nous écoutons le message de Z.
Nous dînons.
Père nous explique qu'il a dépassé son quota de travail.
Mon frère débarrasse la table, ma sœur nettoie la vaisselle: 19h55
Nous allons tous nous coucher: 20h05
Je plie parfaitement mon uniforme pour le lendemain: 20h17
J'enfile mon pyjama: 20h20.
Je me brosse les dents: 20h22.
Je me mets au lit: 20h25.
Je sombre dans un sommeil sans rêves: 20h30.
Je m'appelle Kim HongJoong, j'ai 39 ans, je suis en dernière année de la section 4 du système scolaire central qui dure 40 ans, et je vis dans une ville appelée Strictland.
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Le temps est gris sous le Dôme, pas de soleil, pas de pluie, pas d'UV. Cela nous oblige à prendre les vitamines fournies par le Gouvernement Central qui contrôle le temps.
En regardant ma montre, j'ai raté le bord du trottoir et je suis tombé. Ma tête cogna violemment sur l’asphalte et un peu de sang s'écoulait de mon oreille. Je l'essuyais promptement avant de me lever et de poursuivre ma route.

Arrivé dans ma salle de classe, un son strident me vrille les tympans accompagné d'une douleur épouvantable. C'est la première fois que ça m'arrive.
Le message de Z commence mais je ne l'entend pas car les grésillements dans mon oreille sont trop forts. C'est comme si ma tête allait exploser.
Je décide d'aller chez un médecin assermenté plus tard.
J'ai comme un étrange pressentiment.
Nous étions au mois de juin et la fin de mes études approchait à grands pas.
C'était le moment le plus important de la scolarité.
La section 4 dispensait des cours complètement différents, des cours qui nous préparaient à rentrer dans le monde des adultes et c'était aussi le moment où l'on nous attribuait le métier que nous ferions au sein de la communauté, selon nos résultats à l'examen final.
Toute la matinée, j'ai feint d'entendre le message de Z. Mais je n'entendais rien, rien d'autre que le silence. C'était vraiment très étrange.
Midi arriva et comme chaque midi, j'enfilais ma veste et j'allais au réfectoire pour déjeuner avec mes camarades.
Il était 14h06 et je ne savais pas trop pourquoi mais je n'arrivais pas à me concentrer sur mes cours que je suivais sans les entendre à cause de mon tympan douloureux et de mon mal de tête persistant.
Plus tard dans la journée, lorsque j'étais sorti prendre l'air avec les gars à la pause de 15h, comme à notre habitude, j'avais regardé le ciel d'ordinaire gris à cause du dôme qui nous protégeait du désert qui s'était abattu sur le monde et il me paraissait incroyablement rouge-orangé aux abords de la limite du dôme.
Je fus de nouveau surpris par cette pensée. Je ne regardais jamais le ciel en temps normal car je n'avais pas de temps pour ça.
Puis mon esprit avait dérivé étrangement sur les quelques fleurs qui avaient poussé entre les fissures du béton du sol. Les fleurs étaient interdites car elles provoquaient des émotions et les émotions était la plaie du monde, mais mais celles-ci semblaient avoir survécu à cet environnement stérile et protecteur qui nous entourait. Elles bougeaient avec le vent et une étrange pensée me vint à l'esprit: j'étais surpris.
Puis j'ai eu peur. Je savais que quelque chose clochait et l'idée de me retrouver sur l'île des Gardiens Androïdes me terrifia.
La douleur ainsi que la peur me tétanisaient.
Et cela dura ainsi durant tout l'après-midi. Puis, à la fin des cours, le mal de tête disparu. Plongé dans le silence, mon esprit dérivait et je remarquais des détails que je n'avais jamais relevés par le passé et cette fois, ce fut étonnement satisfaisant.
Je m'étonnais de découvrir de nombreuses petites choses, comme les cheveux soyeux de la fille devant moi au portique de contrôle.
Des petites choses qui étaient pourtant sous mon nez depuis longtemps et je trouvais ça plaisant.
Le phénomène continua à la maison car le repas du soir avait un goût différent et je ressentais la sensation d'avoir bien mangé.
En me mettant au lit à 20h25 comme chaque soir, je réfléchis avec angoisse à ce qui avait changé.
Mais le sentiment de satisfaction qui avait suivi la douleur ne m'avait pas quitté: je me sentais léger pour la première fois de ma vie et le sommeil m'emportait déjà.
Le réveil sonna à 7h00, comme chaque matin, mais je n'arrivais pas à me réveiller.
J'avais de drôles de souvenirs de fleurs rouges éclatantes qui dansaient dans un incroyable ciel bleu. Pourtant je n'avais jamais vu ce genre de fleur avant hier et le ciel n'était pas bleu mais il était gris !
Je n'arrivais pas à comprendre et je me sentais fatigué comme si je n'avais pas dormi.
J'ai vite réalisé que j'étais en retard et j'ai décidé de ne pas me laver les cheveux pour gagner du temps. J'enfilais rapidement mon uniforme et je fût exactement à l'heure pour le petit déjeuner.
En sortant de la maison, tout était parfaitement normal. Cependant, j'étais toujours sourd. Par mimétisme, j'applaudissait au message de Z que je n'entendais pas. J'avisais de m'occuper de mon étrange surdité plus tard.
Mais les étranges souvenirs du matin me chiffonnaient.
J'avais passé la matinée à travailler, concentré du mieux que je pouvais sur mes différentes leçons puis j'ai rejoins mes camarades au self. Cependant je ne pouvais que lire mes cours, n'entendant toujours rien. C'était vraiment déstabilisant.
Vers 13h15, je me rendis compte que les choses avaient encore changé par rapport à la veille: les cheveux de la fille devant moi brillaient de nouveau comme de la soie et j'avais une furieuse envie de les toucher. Ils paraissaient incroyablement doux.
J'ai pris ma pause de 15h avec mes amis. Nous nous connaissions depuis notre naissance. Nous avions grandi ensemble, vivions dans le même immeuble, allions dans la même section, toujours dans la même classe.
Il en était ainsi depuis le début de nos 40 ans de scolarité.
Presque 40 ans passés ensemble, ça compte. Chacun connaissait les besoins des autres.
J'écoutais Seonghwa parler de la nouvelle voiture que ses parents venaient d'acheter. C'était un gros changement dans sa vie.
Sa mère avait aussi gagné 1200 points pour avoir sauvé un enfant de Section 1, ce qui avait fait grimper en flèche leur statut social.
Mon ami racontait qu'il ne leur manquait que quelques points pour atteindre le "statut C" et ils auraient ces points manquants à la fin de sa scolarité.
San et Wooyoung l'écoutaient en silence. Ensuite Yunho et Jongho commencèrent à parler des métiers qu'on allait leur attribuer.
Yeosang écoutait aussi mais il ne parlait pas. Sa voie était déjà toute tracée: il était doué pour les travaux sur les appareils électroniques et il irait sûrement travailler dans un métier de cette catégorie au sein du Gouvernement Central. Il étudiait dur pour y arriver.
Mingi potassait son cours de biomécanique car sa moyenne n'était pas brillante. Il faut reconnaître que sa famille n'avait pas un Statut Social très élevé, à peine un J, et il devait travailler beaucoup plus que nous.
La mère de Mingi avait eu un accident. Le Gouvernement Central l'avait rétrogradé car elle ne pouvait plus contribuer à la société comme auparavant. Ils avaient dû changer de Secteur, d'école et d'appartement.
J'écoutais donc distraitement leurs conversations quand quelque chose attira mon regard: un animal avait repéré une proie et courait tout autour en faisant des petits sauts avant de se préparer à bondir.
Un chat!
J'en avais vu un dans un cours de science une fois.
C'était étrange car ils avaient été éradiqués il y a bien longtemps étant donné que cela rendait les gens émotifs et les émotions sont la plaie du monde.
J'observais son manège quand Jongho m'a mis un coup de coude:
"Qu'est ce qui t'arrive? T'as une drôle d'expression? T'es trop bizarre en ce moment, faut te reprendre où tu vas avoir des ennuis."
J'avais esquissé un sourire à la vue du chaton sans m'en rendre compte et la sonnerie interrompit ma rêverie. Nous retournâmes en cours.
Quand le cours fut terminé, j'ai constaté avec horreur que j'avais dessiné un chat sur ma feuille, à la place de prendre des notes sur ma tablette. Le dessin était interdit par la loi car dessiner créait une émotion et les émotions sont une menace pour la paix de l'humanité, la plaie du monde. C'était une leçon de base de cinquième année de section 1: Dessiner est interdit.
J'ai plié discrètement ma feuille et je l'ai glissé dans ma poche mais je ne fut pas assez rapide et Yunho, qui était assis à côté de moi, avait eu le temps d'apercevoir mon dessin et ouvrait des yeux grands comme des soucoupes.
Une fois sorti de l'école, il courut vers moi et m'attira en retrait des autres.
"HongJoong, mais qu'est ce qui t'arrive? T'es malade ou quoi? Si quelqu'un te grille, ta famille risque une rétrogradation immédiate de deux niveaux!
- J'en sais rien, je ne me suis pas rendu compte que je dessinais.
- Faut que tu brûle ce truc, c'est dangereux tu le sais bien. Si quelqu'un te voit avec ça… je ne dirais rien, mais quelqu'un d'autre ne sera pas aussi conciliant. Brûle ça dès que possible!"
Je savais qu'il avait raison. N'ayant pas de briquet sur moi, j'ai décidé de le déchirer en tout petits morceaux que je mettais dans une poubelle.
J'entendais pour la deuxième fois de la journée le message de Z dans la rue diffusé via les dirigeables et haut-parleurs qui survolaient la ville.

Après le repas en silence, j'allais me coucher.
Une fois dans mon lit, je repensais au chat, à la fleur, au ciel bleu, aux cheveux de la fille et je savais que j'avais aimé tout ça.
Mais je devais me reprendre: aimer était interdit. Aimer était dangereux.
Malgré le fait que c'était mal, je ne pouvais pas m'empêcher de vouloir que cela continue.
Mon mal de tête était enfin parti et mon oreille ne gresillait plus. J'entendais de nouveau très bien.... mais je n'entendais plus du tout Z.
C'est là que j'ai pris la décision de ne pas aller consulter le médecin, même en sachant que c'était dangereux et cette décision, sans même le savoir, allait changer ma vie.
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